Le Togo accueillera en décembre prochain la réunion annuelle du Partenariat d’Ouaga pour l’accélération du repositionnement de la planification familiale dans un objectif global d’amélioration de la santé reproductive inscrite dans l’OMD5. Convaincue que la santé reproductive est aussi une question de développement économique, de justice sociale, d’égalité de genre et de droits humains, l’ATBEF a conduit en partenariat avec le Ministère des Enseignements primaire et secondaire et de l’Alphabétisation et des organisations de la société civile un projet de Promotion de l’Éducation Sexuelle Complète (PESC ) dont le but est d’assurer l’intégration et la mise en œuvre de l’éducation sexuelle complète (ESC), spécifique à chaque sexe et à chaque tranche d’âge et basée sur les droits, dans les programmes de formation de l’enseignement primaire et secondaire du Togo.
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Il s’agit spécifiquement d’amener parents et enseignants à fournir à la jeunesse des connaissances plus exactes sur les dimensions émotives, affectives, sociales de la sexualité qui ne se limite pas au seul rapport sexuel pour engendrer des enfants.
Quelle perspective pour ce projet qui a généré des résultats d’effets en termes de changements aussi bien chez les bénéficiaires directs qu’indirects et présente des opportunités certaines pour réaliser le dividende démographique au Togo ?
La précocité des rapports sexuels et le taux d’incidence assez remarquable des grossesses non désirées chez les jeunes et adolescents les exposant au risque d’avortement clandestin ou de maternité précoce résulte du tabou qui entoure les questions relatives au sexe dans nos familles et des insuffisances dans les programmes scolaires limitant souvent l’éducation sexuelle à des cours de sciences naturelles ou de biologie sur la procréation humaine, surtout sur la prévention des IST/VIH/Sida.
En effet, selon le document de plaidoyer réalisé en 2011 par le PNLS (Programme National de Lutte contre le SIDA), 40% des élèves du 2e degré du Togo ont déjà eu des rapports sexuels ; ce taux passe à 71% dans le 3e degré. Le niveau élevé de grossesses précoces et non désirées parmi les filles non scolarisées et déscolarisées est estimé à 18% dans la tranche d’âge 12 – 18 ans. Parmi elles, 22% ont eu au moins une grossesse dont 87% ont abouti à un avortement avec des complications dans 41% des cas dont 8% d’ablation de l’utérus.
Par ailleurs, le mariage précoce et/ou forcé constitue une forme de violence sexuelle commise à l’encontre des enfants, en même temps qu’il accentue les discriminations de genre, et compromet la scolarité et le développement personnel des filles. Nombreuses sont donc les adolescentes qui se voient obligées d’abandonner leur scolarité lorsqu’elles tombent enceintes. Une situation qui a des conséquences dramatiques à long terme sur leur vie en tant qu’individus, mais aussi sur leurs familles et leurs communautés.
Face à cette situation et pour briser le silence et la désinformation sur la sexualité, l’Association Togolaise pour le Bien-être Familial (ATBEF) avec l’appui de l’IPPF a conduit, entre avril 2008 et fin juillet 2013 le projet PESC visant à assurer l’enseignement à l’école (préscolaire, primaire et secondaire) du Togo d’une Éducation sexuelle complète (ESC), spécifique à chaque sexe et basée sur l’approche genre et les besoins réels des jeunes sur les droits.
Ce projet de promotion d’éducation sexuelle complète se veut une «approche d’éducation sexuelle intégrale basée non seulement sur les aspects reproductifs de la sexualité chez les jeunes, mais aussi sur ses droits, ses besoins réels, le genre et la volonté de les doter des connaissances exactes sur la sexualité, des compétences essentielles de la vie, des attitudes et des valeurs positives dont ils ont besoin pour déterminer de façon responsable leur sexualité et s’y épanouir physiquement, affectivement, individuellement et dans le cadre de leurs relations avec les autres ».
Le genre, la santé sexuelle et de la reproduction, la citoyenneté, l’épanouissement sexuel, la lutte contre les violences, la promotion de la diversité et les rapports avec les autres constituent les principales composantes de l’ESC qui prend en compte l’amélioration de l’environnement socioculturel et légal pour la promotion de la santé des adolescents et des jeunes et le renforcement de la participation de la communauté et de tous les autres secteurs (parents, leaders, jeunes et adolescents) dans le processus de développement.
En somme, ce qui fait l’originalité et la pertinence du PESC est que l’effet recherché dépasse de loin le cadre de la sexualité classique mais englobe l’effort à la satisfaction des problèmes et des besoins de la jeunesse pour un avenir certain. Le PESC non seulement répond aux préoccupations de l’éducation sexuelle complète des jeunes (droits sexuels, droits à la santé sexuelle, droit à la parole et à l’information, la citoyenneté, la tolérance, le genre…) mais aussi s’inscrit dans plusieurs politiques et programmes nationaux et internationaux de promotion de la jeunesse.
Les différents objectifs et axes de l’Éducation Sexuelle Complète sont en parfaite adéquation par exemple avec le Plan stratégique 2008-2012 pour la santé des adolescents et jeunes au Togo, la Politique nationale de santé des jeunes et adolescents, le Plan Sectoriel de l’Éducation 2010-2020, la Politique nationale de la jeunesse (PNJ) et du Plan d’action opérationnel (2008-2012), la Politique Nationale de protection de l’enfant et la Charte africaine de la jeunesse, etc.
Un consensus national pour fournir aux jeunes les moyens de construire leur avenir
Arrivé à la fin de sa phase pilote en juillet 2013, le PESC a , durant cinq ans, permis de développer un consensus national sur l’enseignement de l’éducation sexuelle complète et la constitution, sous la direction de l’ATBEF, d’un réseau informel de plaidoyer comprenant des institutions étatiques et de la société civile, principales parties prenantes de l’éducation des jeunes.
Somme toute,l’obtention de l’accord et de l’adhésion du gouvernement togolais à l’ESC et l’assistance technique du Ministère de l’éducation ont été déterminantes dans l’intégration de l’ESC dans les programmes du préscolaire, du primaire et du secondaire. A ce stade, l’éducation sexuelle complète a été expérimentée dans 04 jardins d’enfants dont 01 catholique, 06 écoles primaires et dans 08 établissements secondaires dont 02 de confession catholique.
A cet effet, l’ ATBEF avait produit des curricula et des guides ainsi que des planches de supports pédagogiques et un module d’autoformation des enseignants togolais en éducation sexuelle complète. Elle a également produit des guides de prêches dans les mosquées et dans les églises protestantes aux fins de promouvoir l’ESC dans les lieux de culte. Les outils et matériels d’information élaborés pour l’enseignement de l’ESC dans les établissements et les prédications dans les églises et mosquées sont jugés adéquats par les acteurs qui en font usage.
Par ailleurs, le développement de partenariat avec les médias tant publics que privés a permis de relayer au sein des communautés les messages sur les enjeux de l’éducation sexuelle complète.
L’intérêt manifeste pour l’Éducation Sexuelle Complète
La mise en œuvre du projet a mis en lumière l’intérêt général pour l’ESC en dépit des réticences relevées au niveau de certains parents par rapport à l’éducation sexuelle des tout petits enfants ainsi qu’au niveau de certains enseignants qui ont pratiqué l’autocensure dans la dispension des cours aux élèves.
Dans les témoignages recueillis lors de l’évaluation du PESC, il ressort qu’aussi bien de jeunes que d’adultes, des milieux scolaires et extrascolaires, désirent disposer d’informations exactes sur la sexualité en lieu et place de celles tronquées véhiculées par l’Internet, les réseaux sociaux et la rue.
Somme toute, loin de paraitre comme un moyen de dépravation des mœurs ou de libertinage dans les pratiques sexuelles, l’ESC est jugée comme un moyen pour apporter aux adolescents les connaissances exactes dont ils sont privés , mais qui leur sont indispensables pour prévenir les problèmes liés à la sexualité.
Aussi, les formations reçues par les acteurs ont-elles positivement influencé les relations entre parents-enfants, élèves-enseignants et élèves-élèves à telle enseigne que certains parents et enseignants ont avoué ne plus utiliser à tout moment le bâton comme instrument de correction.
Porter le projet à échelle et pérenniser l’éducation sexuelle complète
D’après le dernier recensement général de la population et de l’habitat, 31% de la population togolaise est constituée d’adolescents et jeunes de la tranche d’âge de 15 à 24 ans. Il parait nécessaire pour le Gouvernement d’ inscrire le processus dans son propre budget avec dispension effective de l’enseignement de l’ESC dans les écoles au Togo afin que l’ensemble des jeunes et adolescents du Togo bénéficient des actions du projet. Le gouvernement à inscrire le processus dans son propre budget avec dispension effective de l’enseignement de l’ESC dans les écoles au Togo
Pour le renforcement des capacités techniques et opérationnelles des acteurs, il est souhaité l’implication d’autres acteurs, comme les partenaires au développement, en occurrence l’UNFPA, l’UNICEF et l’UNESCO.
En définitive, le Togo peut tirer profit du dividende démographique grâce à l’ESC. Rappelons que le dividende démographique est l’accélération de la croissance économique qui peut résulter d’une baisse rapide de la fécondité d’un pays et l’évolution ultérieure de la structure par âge de la population. Avec moins de naissances chaque année, la population d’un pays en âge de travailler grandit par rapport à la population jeune et dépendante. Face aux indicateurs de SR, le défi du développement durable est entier pour notre pays.
Source documentaire ATBEF
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