Contraint de rester hors du Togo en raison d’une cabale juridico-politique ourdie contre sa personne, Alberto Olympio, suit toujours de près la situation politique du pays. L’ancien président du Parti des Togolais n’est pas indifférent face aux dernières manifestations des Togolais qui veulent en finir une fois pour de bon avec la dynastie Gnassingbé. Depuis le Sénégal où il se trouve actuellement, Alberto Olympio (Photo) a accepté se confier à notre Rédaction. Il est revenu sur les dernières manifestations qui ont secoué le pays et appelle les populations à la résistance contre le pouvoir de Faure Gnassingbé.
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Liberté : Bonjour Alberto Olympio et merci d’avoir accepté répondre à nos questions.
Alberto Olympio : Bonjour, toujours disponible lorsqu’il s’agit du Togo.
Malgré votre retrait « temporaire » de la scène politique togolaise, vous suivez de très près la situation politique qui prévaut au pays. Dites-nous, êtes-vous surpris de la mobilisation populaire des 6 et 7 septembre derniers ?
Absolument pas. Ce qui se passe au Togo depuis quelques semaines, parce qu’il ne faut pas oublier la démonstration de force du PNP le 19 Août dernier, c’était prévisible et attendu de tous les Togolais épris et œuvrant pour la liberté de notre pays.
Comprenez-vous les aspirations du peuple togolais qui exige clairement le départ de Faure Gnassingbé ?
Qui ne comprendrait pas les aspirations du peuple Togolais ? Seul un régime sourd, aveugle et muet peut le prétendre. Ce régime est à l’image de son chef qui lui-même est sourd au grondement de la rue, aveugle à la souffrance d’un pays qu’il fuit d’ailleurs à la moindre occasion et totalement muet. La preuve, plus de trois (3) semaines de troubles et pas une seule adresse à la Nation. Il est normal dans ces conditions que le peuple aspire à autre chose.
Le peuple togolais est déterminé cette fois-ci à obtenir gain de cause. Mais, comme d’habitude, le régime de Faure Gnassingbé lui oppose une répression sanglante sur toute l’étendue du territoire. Pensez-vous que cette lutte peut aboutir, sans que les forces armées ne gardent leur caractère républicain ?
Les autorités togolaises en réprimant des manifestations pacifiques, montrent combien la parodie de purification était une moquerie à l’égard des Togolais qui tombent aujourd’hui encore sous les balles et les coups de la dictature. Pour autant, je pense que rien ne peut arrêter un peuple en mouvement, et ce que nous voyons depuis quelques semaines, c’est la nation togolaise qui se met en mouvement.
Vous êtes actuellement à Dakar où vous avez participé à la manifestation des Togolais vivant au Sénégal pour exiger aussi le départ de Faure Gnassingbé. Toute la diaspora togolaise à travers le monde est également mobilisée. Est-ce une nouvelle prise de conscience généralisée ? Mais l’Internet par lequel la diaspora s’enquiert des nouvelles du pays a été coupé pendant cinq (5) jours. La peur a-t-elle changé de camp ?
Incontestablement OUI ! Le régime est aux abois. Cela se voit par ses prises de positions saccadées et très certainement improvisées. Mais le plus important, ce n’est pas la peur. Ce qui doit nous conforter à maintenir la pression, ce sont les signaux de division au sein même de la maison UNIR, fille du RPT. Les gens se posent de sérieuses questions, car nous ne sommes plus dans les années 1990 et le monde nous regarde, comme vous l’avez dit. D’ailleurs la coupure de l’Internet n’a contribué qu’à orienter un peu plus le faisceau d’attention de la presse internationale sur notre pays. Les nouvelles technologies permettent de plus en plus de contourner les coupures et on n’isole plus totalement un pays en privant ses citoyens de connexion Internet ou de communications. Je salue ici l’ingéniosité de nos concitoyens qui ont pu contourner la censure. Concernant la ministre de tutelle, c’est un gros carton rouge. La censure Internet est une violation des libertés individuelles. Ce sont des méthodes d’un autre âge. Personne n’enseigne cela dans les universités américaines, du moins pas dans celles où j’ai été.
Malgré tout ce qui se passe actuellement, le chef de l’État reste muet. Pensez-vous qu’une intervention de sa part peut faire baisser la tension ?
Je pense que le silence du chef de l’État est révélateur du divorce consommé entre lui et le peuple qu’il prétend gouverner. Il ne parle pas, certainement parce qu’il sait que les Togolais ne l’écoutent plus. Peut-on le leur reprocher ? Je ne crois pas. Qui voudrait écouter un interlocuteur qui ne tient jamais ses promesses, rompt unilatéralement ses engagements et reste sourd à la douleur de son peuple ? Une seule chose peut faire baisser la tension : le départ du chef de l’État.
Quelle appréciation faites-vous de l’avant-projet de loi de révision de certains articles de la Constitution ?
C’est une tentative de diversion qui devrait être considérée comme un non-événement : onze (11) ans après l’APG, l’opposition ne doit pas être complice d’une nouvelle révision hâtive au nez et à la barbe des Togolais qui veulent un retour à la Constitution qu’ils ont votée. Une poignée de politiques ne peuvent pas faire la pluie et le beau temps quand il est question de la loi fondamentale de notre pays. Ça suffit !
Le Parti des Togolais fait partie de la coalition des forces démocratiques qui a lancé les manifestations. Aujourd’hui l’opposition est ensemble sous la forme d’une unité d’action. Quelle appréciation faites-vous de cette nouvelle dynamique ?
L’unité d’action est une bonne chose, un bon départ. Maintenant il faut que cette unité accouche d’une véritable coordination, ceci dans l’esprit et la cohérence de ce qui a été débuté par nos camarades du PNP. A l’extérieur, les interlocuteurs demandent une clarification des positions. En gros, ils savent ce que veut le peuple, mais doutent encore sur les intentions des politiques. Il est urgent de clarifier les positions et surtout de les tenir informés sans envoyer de signaux contradictoires. L’ère de la négociation est révolue.
Tikpi Atchadam est sans doute la figure montante de l’opposition qui a su remobiliser le peuple togolais. Nous avons appris que vous l’aviez contacté bien avant le lancement des manifestations. Que lui aviez-vous dit ? Et que pensez-vous de ses initiatives ?
Tikpi n’est pas un inconnu, c’est un frère dans la lutte. Je connais ses positions sur le Togo et les issues possibles d’une crise qui n’a que trop duré. A l’époque déjà nous savions et disions que 2015 était la dernière chance pour une alternance via les urnes. Il a refusé de participer aux élections et sa position sur la Constitution a toujours été claire. Je lui ai effectivement parlé avant les manifestations du 19 août, ne vous attendez pas à ce que je m’étale ici là-dessus. Sachez juste qu’il pourra toujours compter sur mon soutien, et qu’en cela, je ne suis pas le seul.
Quel message avez-vous à l’endroit du peuple togolais, de Faure Gnassingbé, de vos camarades de lutte ainsi qu’à l’endroit de la communauté internationale.
Le chef de l’Etat togolais a des problèmes sérieux. A force de s’accrocher au pouvoir, ce dernier est en train de le quitter. Il n’a pas besoin de moi pour en prendre conscience.
A la communauté internationale, j’aimerais dire que cette fois ci, le peuple aura le dernier mot. C’est une certitude. Soyez de son côté.
A mes camarades de lutte, j’aimerais dire que je n’ai jamais eu autant envie d’être au Togo avec vous que ces dernières semaines. Ici de mon côté, je fais ma part en espérant que nous célébrerons une victoire commune bientôt. Gardez le cap et écoutez la rue.
Au peuple togolais enfin, je vais répéter ce que j’ai déjà dit en 2016 : « LE POUVOIR C’EST VOUS » et l’Alternance c’est pour MAINTENANT. Quand on veut chasser un dictateur, on ne lui demande pas sa permission.
Interview réalisée par Shalom Ametokpo