Le Togo a une nouvelle constitution. Elle a été votée vendredi 19 avril 2024, à l’Assemblée nationale, par les députés, après une deuxième lecture voulue par le chef de l’Etat Faure Gnassingbé. Ce « nouveau pacte social » fait passer le Togo d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire.
Après des débats parlementaires nourris et une consultation auprès de la population togolaise, l’Assemblée nationale de la République du Togo a finalement adopté la proposition de révision de la Constitution. Dans un contexte régional marqué par une instabilité politique et une aspiration à une plus grande horizontalité du pouvoir, le pays entérine le passage d’un régime semi-présidentiel à un système parlementaire. Une première en Afrique de l’Ouest.
Une réforme profondément débattue
La proposition de révision de la Constitution, déposée par des députés de l’Assemblée nationale en décembre 2023 a fait l’objet d’une série de consultations et de séances plénières. Adopté dans un premier temps le 25 mars 2024, le texte a fait l’objet d’une deuxième lecture à la demande du Président de la République Faure Gnassingbé afin de permettre une délibération approfondie entre parlementaires, et de consulter la population togolaise en amont de l’adoption.
Du 08 au 12 avril 2024, des députés des diverses sensibilités politiques représentées au sein de l’Assemblée nationale sont allés à la rencontre des citoyens et de représentants religieux ou traditionnels dans une trentaine de localités du pays afin de recueillir leur opinion et leurs contributions sur le texte.
Une réforme issue d’une réflexion institutionnelle menée dans le pays depuis 2017
Les réflexions sur l’adoption d’un nouveau système politique ont débuté dès 2017, lors d’une grande consultation citoyenne qui a remonté les aspirations à une plus grande représentativité ainsi qu’à une participation accrue des citoyens à la vie publique. Pour répondre à ces attentes, les premières élections municipales du pays depuis trente ans ont été organisées en 2019. Des élections régionales, également basées sur les principes du parlementarisme, seront quant à elles organisées le 29 avril, en même temps que les élections législatives.
Cette réforme puise également sa source dans l’adhésion du Togo au Commonwealth en 2022, dont de nombreux membres, tels que l’Inde, ont adopté de longue date un système parlementaire qui a fait ses preuves en matière de stabilité et de représentativité.
Une réforme en phase avec l’évolution géopolitique et géo-économique de la sous-région et de l’international
Dans un contexte régional marqué par une forte instabilité politique et une remise en question des régimes présidentiels, le Togo se positionne en précurseur en ouvrant une réflexion novatrice sur son système de gouvernance afin de répondre aux enjeux contemporains et aux aspirations de sa population. Il rejoint ainsi la famille des nations ayant adopté le parlementarisme – à l’instar de nombreux membres du Commonwealth – auquel le pays avait adhéré dès 2022.
En se dotant d’une nouvelle Constitution et d’institutions fortes garantissant un équilibre accru des pouvoirs, le pays réaffirme sa position de puissance stabilisatrice et d’acteur clé pour le développement et l’intégration de la sous-région ouest-africaine.
Un nouveau pacte social, pour aujourd’hui et pour demain
La nouvelle Constitution instaure une gouvernance du pays fondée sur une collaboration efficace et équilibrée entre les composantes du pouvoir. Elle donne plus de poids aux assemblées parlementaires (Assemblée nationale et Sénat), qui constitueront la principale source de légitimité de l’exécutif. Le Parlement réuni en Congrès désignera en effet le Président de la République, garant de la continuité de l’Etat, tandis que le Président du Conseil des ministres, qui conduira les affaires du pays, sera quant à lui issu de la majorité parlementaire et élu par les députés de l’Assemblée nationale.
La Constitution de la Cinquième République togolaise a été pensée comme un nouveau pacte social, qui renforce le rôle des citoyens dans la conduite de la vie publique, et lègue aux générations futures un système stable, plus représentatif et transparent.
Une réforme en phase avec l’évolution du Togo
Pays de 8,5 millions d’habitants, le Togo a connu de profonds changements économiques et sociétaux, et fait preuve d’un dynamisme et d’une résilience remarqués en Afrique de l’Ouest et au-delà. Le Togo connaît une croissance moyenne de 5% depuis plusieurs années, ainsi qu’un taux d’alphabétisation et un IDH en augmentation constante. Il est également classé par la Banque mondiale comme le premier réformateur africain en matière de défense des droits des femmes.
Le passage à une Cinquième République et l’application du parlementarisme enracinent la démocratie et répondent à la demande populaire d’une plus grande horizontalité dans la conduite des affaires de l’Etat. Le pays se dote d’un modèle adapté à ses réalités propres, éloigné de schémas issus de l’histoire post-coloniale.
Ils parlent de la nouvelle Constitution
« Avec la nouvelle révision constitutionnelle, on se retrouve avec une parfaite collaboration entre le législatif et l’exécutif en matière législative… Désormais, les législatives pourront susciter plus d’engouement chez les Togolais que l’élection présidentielle de la Constitution actuelle. De plus, le multipartisme pourrait aussi subir des modifications par la collaboration des petits partis politiques. Ces derniers pourront évoluer vers de grands ensembles partisans », Koffi Amessou Adaba, enseignant et chercheur en sociologie politique.
« On a un président de la République qui assume une partie des prérogatives que le chef de l’Etat assume actuellement. On a un Président du Conseil qui va développer une forte proximité avec la population dans le suivi et l’exécution des politiques publiques et les députés auront un poids important », Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique, du travail et du dialogue social.
« Si nous allons aux élections avant de changer la Constitution, il se posera la question de la dissolution de l’Assemblée nationale pour la conformer au nouveau système. Alors que l’un des objectifs de la réforme constitutionnelle, c’est de réduire et rationnaliser les consultations électorales qui sont souvent porteuses de tensions et de crises », Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique, du travail et du dialogue social.
« Cette révision apporte un nouveau régime plus représentatif. Une plénitude de pouvoir conférée au peuple par ses représentants”, Pacôme Yawovi ADJOUROUVI, ministre des Droits de l’Homme, de la formation à la citoyenneté, et des relations avec les institutions de la République ».
« Nous avons expérimenté pendant un certain nombre d’années le régime présidentiel et aujourd’hui nous migrons vers le régime parlementaire. C’est une bonne chose parce que ce régime prescrit le mandat unique pour le président de la République. Ce sera une manière pour chacun des acteurs de notre pays d’arriver à la présidence de notre République en travaillant, en pêchant, en fouillant et en cherchant. Il faut qu’on se batte pour y arriver et lorsqu’on aura désigné le président du conseil des ministres dans la majorité parlementaire, cela permettra également d’aller en avant », Me Jil-Bénoît Afangbedji, avocat au barreau togolais.