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ME BERTIN AMEGAH-ATSYON: “IL FAUT METTRE FIN A CETTE HISTOIRE DE MILICIENS”

Rédigé par : Gapola

Me Bertin Amegah-Atsyon, huissier de profession, est plutôt bien célèbre par ses activités de défenseur des droits de l’homme et ses analyses des faits de l’actualité politique en tant que leader d’opinion. Président des Nouveaux Droits de l’Homme branche Togo (NDH-Togo), il est omniprésent sur tous les terrains de manifestations publiques ces dernières semaines. Dans une interview exclusive accordée à la rédaction de La Symphonie, il explique les difficultés et les risques liés au monitoring des manifestations politiques, et décrypte sans langue de bois, les grandes questions de l’actualité politique, notamment les réformes, le dialogue, les stratégies de l’opposition, les milices et leurs œuvres, le référendum. Lisez plutôt ! 

LA SYMPHONIE:   Le 14 Octobre 2017,  27 ans jour pour jour que  le peuple Togolais s’est donné une constitution calquée sur le modèle démocratique. NDH-TOGO  choisit cette date pour tenir son assemblée générale statutaire. Brièvement, quelles sont les grandes décisions de cette AG?
Maître  Bertin AMEGAH-ATSYON: C’est par le hasard de l’histoire que l’Assemblée Générale Statutaire de notre association s’est tenue le samedi 14 Octobre 2017, un jour repère pour les togolais. S’agissant des grandes décisions prises,  je dirai qu’en dehors de la mise sur pied de la commission Ad hoc et permanente nous avions procédé à un renouvellement de l’équipe dirigeante.
Nous avions également remis le premier prix René  CASSIN  des Droits de l’Homme à Maître Jean Yaovi DEGLI. Disons brièvement que nous avions essayé de faire le bilan de 3 ans de parcours, rechercher nos faiblesses et tares pour affronter les trois prochaines années avec sérénité et optimisme 
Les organisations des droits de l’homme, en ce moment de crise politique, font du monitoring lors des manifestations publiques. NDH-Togo est souvent sur le terrain, dites-nous comment cela se passe?
Ce n’est pas du tout facile pour les défenseurs des Droits de l’Homme que nous sommes d’observer les manifestations publiques. Parfois, nous sommes mal compris par les forces de l’ordre  et même certains militants des partis de l’opposition. C’est ainsi que des jeunes nous lancent des pierres et n’hésitent pas à en découdre avec des défenseurs des Droits de l’Homme qui ne dansent pas comme eux  et au rythme des chansons de leurs chapelets. Lors des manifestations des 18 et 19 Octobre 2017, le peuple Togolais a assisté impuissant à la  résurgence des milices. Des jeunes gens cagoulés ont semé la terreur à Atikoumé, Gbossimé et dans d’autres quartiers de Lomé .Le président du mouvement Martin Luther King,  le pasteur EDOH Komi, a été pris à partie.
A Bè, des jeunes ont teinté leur visage avec du charbon et ont dressé des barrières pour molester et rançonner les passants. Le chargé à la communication de NDH-TOGO Ange Marie Gabriel ADONOU a été pris à partie, violenté, son bracelet et son téléphone portable détruits. D’autres collègues ont été chassés et humiliés. Moi-même j’ai failli être lynché par des jeunes gens à Agoè-Nyivé au niveau de l’église Catholique Marie Théotocos.  
Mais on vous a aperçu  sous le pont  d’Agoè  avec les forces de l’ordre et les miliciens. Vous avez pu identifier certains de ces miliciens?
Comment peut-on identifier des gens cagoulés, surtout lorsqu’on a la peur au ventre? Je ne connais personne,  j’ai vu effectivement une voiture pick up non immatriculée avec des jeunes gens munis d’armes blanches à quelques dizaines de mètres, c’était les forces de sécurité. Je ne peux pas vous dire avec exactitude s’ils cheminaient ensemble ou pas, puisque je faisais la ronde pour coordonner  les actions de monitoring. Mais franchement, l’Etat doit éviter de remettre une partie de sa souveraineté aux jeunes gens qui n’en ont pas la compétence nécessaire ni le Droit de sécuriser le pays. Il faut alors mettre fin à cette histoire de miliciens de toutes catégories. 
Me Bertin, depuis le 19 Août dernier, le peuple togolais est en proie à une crise socio politique qui a causé d’énormes dégâts notamment des pertes en vies humaines, des dégâts matériels et l’exode de plusieurs togolais de la région septentrionale. En tant que défenseur des droits de l’homme, quel est votre regard sur ce feuilleton inquiétant?
D’abord permettez-moi de m’incliner devant la mémoire de mes sœurs et frères civils ou militaires qui ont dû payer de leur vie le lourd tribut d’une démocratie balbutiante sur la terre de nos aïeux que leur âme repose en paix. Quant aux blessés se trouvant dans les rangs des manifestants ou des forces de défense et de sécurité, NDH-TOGO par ma modeste personne leur souhaite prompt rétablissement. S’agissant aussi des togolais natifs de Tchaoudjo, de Bafilo ou de Mango militants de l’UNIR ou de l’opposition dont les domiciles ont été mis à sac et incendiés, NDH-TOGO leur témoigne sa solidarité. Maintenant s’agissant de votre question, je dirai sans langue de bois que le radicalisme et l’extrémisme des uns et le conservatisme, l’arrogance des autres sont les éléments catalyseurs de l’escalade de la violence que nous connaissons.
Bref, les signataires de l’accord politique global ont trop dormi sur leurs lauriers. On aurait pu faire le reliquat des reformes prévues par l’APG et l’on en arriverait pas là. Pour le pouvoir en place, lorsque je me situe sur un terrain politique je me dis qu’il n’a pas trop à se gêner devant une opposition naguère hétéroclite divisée, ami le matin ennemi le soir. Bref retenez que si depuis 11 ans on n’a pas passé le temps à jouer au malin et au chrono au nom des intérêts personnels, partisans et égoïstes, le Togo serait déjà très loin de cette crise.
A vous entendre, on a l’impression que vous faites la part belle au pouvoir en indexant plutôt l’opposition
Vous parlez de quelle opposition? Moi j’en dénombre 4 catégories:
– Celle qui se nourrit du radicalisme et de l’extrémisme de façade pour des raisons diamétralement opposées à l’intérêt général, – Celle qui est composée de gens qui optent pour le slogan Ashanti ‘’Dibi Ma Dibi’’ c’est-à-dire mange et donne-moi aussi à manger un peu, -Celle qui se complait dans le verbiage, la démagogie et la logomachie pour se faire remarquer, – Celle qui sait mobiliser et drainer des foules sur toute l’étendue du territoire.  De toutes les façons,  je ne comprends pas pourquoi vous dites que je fais la part belle à X et j’indexe Y. Je suis un togolais lambda comme de centaines de milliers d’autres, et comme eux, il n’est pas dans mes habitudes de laisser les choses se faire. Car, et c’est sans ostentation de ma part, j’appartiens justement à ces petits togolais qui font qu’à un moment la belle au bois dormant devra se réveiller. Nous avons notre mot à dire car, l’avenir de ce pays nous appartient tous.
Pourquoi y aurait-il des réseaux tous faits de pensée par lesquels il faudrait nécessairement passer pour être un démocrate convaincu ou un opposant farouche ? Si c’est cela qui fera de moi un malpropre à soumettre à la vindicte populaire tant mieux ! Bravo. Mais je vous avoue, je ne suis pas un ouvrier de la 25ème pour détrôner Dieu au détriment des politiques de mon pays. Si X a bien fait on applaudira s’il a mal fait on le dira aussi.
Votre position vis-à-vis des protagonistes de la crise paraît floue ?
J’ai l’impression que vous regardez, mais vous ne voyez pas du tout. Ou plutôt vous me poussez à évoquer la responsabilité de l’opposition dans le retard des reformes. OK.  D’abord je vais vous épargner des péripéties constatées dans la mise en place des divers cadres de concertation avec les coups bas et les crocs-en jambe de certains partis de l’opposition pour ne retenir que l’erreur de 2014. Il vous souvient que beaucoup de leaders politiques et d’opinion sentant la fin du second mandat du chef de l’Etat Faure GNASSINGBE – qui pour sa part tenait tranquillement la constitution de 1992 modifiée en 2002 pour rempiler – ont fait une proposition rationnelle qui pourrait nous éviter ce que nous vivons aujourd’hui en proposant que l’on considère le mandat de 2015 à 2020 comme étant le dernier du locataire de Lomé II.  Proposition qu’UNIR pouvait rejeter mais ne l’a pas fait. Surprise, c’est l’ANC de Monsieur Jean Pierre FABRE qui a dit niet. Monsieur Faure ne doit plus se présenter en 2015. Alors un nouveau slogan est né après bulletin unique ou la mort. Ce slogan, c’est” pas de reformes pas d’élection”. La suite vous la connaissez.
Vous voulez dire la suite, c’est la réélection du Président Faure GNASSINGBE?
 (Rires…) Sacré Yves GALLEY! Qui veut toujours m’amener à tout dire. Ce n’est pas seulement la réélection de Monsieur Faure GNASSINGBE, mais son accompagnement pour un 3ème mandat. Il a suffi que le pouvoir balance un peu de blé comme financement de la campagne pour que ce grand parti espoir de la majorité des togolais se fasse hari-kiri. Et comme le ridicule ne tue pas, les mêmes qui ont accompagné Monsieur Faure, c’est eux qui reviennent nous dire, après que ce dernier ait cédé aux revendications, qu’il s’en aille. Drôle de méthode et de stratégie politique. Qui trompe qui alors ?
 Maître, vous avez raison à la lumière de votre démonstration, mais pensez-vous que si l’ANC a accompagné Monsieur Faure en 2015, il faudra donc abandonner les réformes ? Bref, qui a peur des réformes selon vous?
Si  nous sommes dans la situation actuelle, cela est dû aux deux grands partis et je l’avais dit.
UNIR et son champion ne peuvent pas à eux seuls faire les reformes de même que les partis de l’opposition siégeant à l’Assemblée Nationale. Alors il faut le consensus. Mais dans la recherche du consensus, Monsieur AGBEYOME Kodjo et Maître AGBOYIBOR ont fait une proposition qui a su tendre la main à des reformes allant dans l’intérêt supérieur de la Nation. Les propositions de ces 2 anciens premiers Ministres ont été reprises et amplifiées par un groupe de médiation composé de Mme Jeannine AGUNKE, Me Jean DEGLI, M. Fulbert ATISSO, M. KLUMSON EKLU Siméon et moi-même Bertin AMEGAH-ATSYON. Nous nous sommes évertués à convaincre l’ANC mais Hélas ! Ça n’a pas marché. Et pire on a rapidement trouvé nos poches pleines, car le pouvoir nous aurait donné de l’argent. Ainsi va la République. A la question de savoir s’il faut abandonner les réformes je dis non ! Personne n’a intérêt mais à force de chercher ce que l’on ne peut pas trouver on finit par trouver ce que l’on ne cherche pas.
 Vous faites allusion au référendum, n’est-ce-pas?
Vous savez,  dans les revendications du PNP de mon ami ATCHADAM SALIFOU TIKPI alias TIGANA (son pseudo sur le terrain de football où ensemble on a joué pour la faculté de droit de 1989-1991),  il y a le retour à la constitution de 1992 et le vote de la diaspora. Et je crois que dès le 05 Septembre 2017,  le Chef de l’Etat a répondu favorablement à l’essentiel des revendications notamment le mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois et le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. A cela une innovation : la limitation des mandats électifs. Je crois que l’erreur monumentale commise par certains leaders du groupe des 14 c’est d’exiger la démission du Chef de l’Etat après qu’il ait concédé aux revendications du PNP.
Le départ immédiat de Faure, à en croire les opposants porteurs de cette revendication, ce n’est pas la demande de l’ANC ou du groupe des 14, mais celle du peuple souverain 
Ah bon ! C’est quoi le peuple mon cher ami. Finalement chacun a son peuple ? Quand UNIR manifeste elle parle aussi de peuple. Alors il faut corriger cela. Moi je parlerai plutôt d’une partie de l’opinion nationale car le peuple se dégage dans les urnes par la loi de la majorité. Raison pour laquelle le scrutin uninominal majoritaire à deux tours est souhaitable, car il répond à la notion de peuple. Même si c’est les militants de l’opposition qui demandent le départ de Monsieur Faure GNASSINGBE, le chef de file de l’opposition ne devra pas tomber dans ce piège pour le dire urbi et orbi sur les médias. Lorsqu’une équipe de football joue, elle doit avoir sa stratégie, c’est-à-dire celle imprimée par l’entraîneur ou le capitaine, et non se fier aux desiderata des supporteurs. Cela, Monsieur Fabre doit le savoir étant grand sportif. Si vos supporters vous demandent de brutaliser l’adversaire au lieu de marquer des buts, vous devez savoir que la finalité du match c’est celui qui a gagné et non celui qui a bien dribblé ou brutaliser sans pour autant gagner.
Qu’est-ce qu’il faut pour rapprocher les acteurs politiques en vue d’un dialogue franc et sincère pour sortir de l’ornière ?
Qui vous dit que les acteurs politiques sont divisés ? Rentrez dans leurs intimités vous les verrez sabler du bon champagne et grignoter du caviar. Certains même font des coups de fils, qui pour quémander un bon de carburant qui pour avoir les espèces sonnantes et trébuchantes. Ce qui est primordial et s’impose comme préalable pour ramener la sérénité, c’est de libérer tous ceux qui ont été arrêtés pendant les manifestations, rassurer par des actions concrètes ceux qui ont quitté leurs domiciles par peur des représailles  pour se réfugier dans les pays voisins ou dans les brousses. Il faut aussi penser à ceux dont les biens immeubles et meubles sont saccagés. Mais avant tout cela, organiser une journée de deuil national sur toute l’étendue du territoire national pour le repos de l’âme de nos frères et sœurs civils et militaires ou forces de sécurité tués depuis le 19 Août 2017. Et penser ensuite à leurs familles. Je crois que ce faisant le Grand Architecte de ce monde nous accompagnera pour le reste.
Pour terminer cet entretien…
Il y a un temps pour la guerre mais un temps pour la paix, mais le temps pour la paix passe par un dialogue ferme et sincère. C’est pourquoi je lance un appel au Chef de l’Etat garant de la souveraineté nationale, garant de la continuité de l’Etat et garant de la sécurité de tous les togolais sans distinction aucune, de parler, d’agir et comme lui-même l’a dit, il faut agir que de s’enfermer dans des discours. Mon Président, Notre Président, agissez pour surprendre tout le monde.

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