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Révolte populaire du 19 août : PNP, 3 ans après les « victoires d’étape »

Rédigé par : Gapola



Nécessité de gagner la Grande Boucle

 

L’une des plus inattendues à une période politique où l’opposition togolaise n’existait que de nom, la révolte populaire du 19 août 2017 impulsée par le PNP, Parti national panafricain de Tikpi Atchadam, reste et restera dans les annales politiques du Togo et ceci pour l’histoire. Car, à plus de 50 années de gouvernance d’une main de fer, jamais le régime togolais a été si malmené dans sa pseudo-tranquillité aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et à l’initiative d’un parti d’opposition qui fait ses premières armes en politique. Trois (03) ans après cette période quasi insurrectionnelle, quel bilan peut-on dresser de ce parcours qui laisse la plupart des Togolais sur leur faim ?

 

Tout est parti du grand meeting organisé par le PNP, le dimanche, 02 juillet 2017 au stade d’Agoènyivé à Lomé où Salifou Tikpi Atchadam, le président de ce parti a enfin lâché les chevaux. « Peuple au destin tronqué ! Peuple au bonheur confisqué ! Peuple aux droits élémentaires déniés et bafoués ! Habitants de l’île déserte des droits humains ! Chers compatriotes ! Présents et non présents dans ce stade d’Agoè ce jour du mois de juillet 2017, je m’adresse à vous ».

 

Le ton était très solennel ce jour-là, marquant sans nul doute la foi en un avenir certain et radieux qu’un peuple longtemps enchainé, martyrisé et supplicié, s’apprête à vivre dans toute sa dimension après sa totale libération. « Je vais vous parler, comme toujours, avec une langue dont la racine se trouve plantée dans le cœur. Vous aurez droit, je veux dire, vous avez droit à une langue de vérité. Pour cela, sans la bouche pour parler et sans les mains pour applaudir, je vous prie de m’écouter ce soir. De mon côté, sans oreilles pour vous entendre, ni mes yeux pour vous voir, je vais vous parler ». Sa rhétorique était consacrée et c’est à dessein que Tikpi Atchadam a baptisé ce grand jour de meeting, comme étant celui de la fin de la confiscation de la souveraineté du peuple, un jour de liberté et d’espoir pour tous les Togolais sans exception, y compris ceux de la minorité otage à l’intérieur du système qu’elle a, elle-même, créé. Mais, pour que cela advienne ou pour que cela soit une réalité, le leader du PNP indique que le jour doit être décidé par les Togolais eux-mêmes. « C’est notre décision car, disait Mahatma Gandhi, “à l’instant où l’esclave décide qu’il ne sera plus esclave, ses chaînes tombent” ». Du constat, il lance un dernier appel au peuple en ces termes : « Tel un fleuve en crue qui a débordé de son lit et qui a brisé les digues qui l’enserrent et l’étouffent, et qui a débordé de son lit. Ce peuple doit sortir, balayer les privilèges emporter et avec eux la misère devenue inadmissible. Construisons un nouvel avenir commun, celui de la liberté, de la démocratie, du développement, d’un Togo pour tous. Alors, debout ! Luttons sans défaillance ! Vainquons ou mourrons mais dans la dignité ».

 

Ces termes sont forts et traduisent la volonté manifeste d’un homme, un sauveteur, décidé à aider pour mettre définitivement fin à un régime qui a tant maintenu son peuple dans la servitude, la misère et la faim. C’est dans ce contexte que l’on doit comprendre l’appel du 19 août 2017 et les conséquences qu’il a pu engendrer, le régime togolais se fermant, comme à l’accoutumée, à toute envie de démocratie, d’alternance et de changement et, préférant tout noyer dans le sang avec l’aide de son allié de toujours, l’armée. Cependant, la détermination du peuple n’a pas été vaine, loin s’en faut ! Bien que son principal objectif, celui de se libérer du joug d’un régime sans foi ni loi, n’a pas été réalisé, il n’en demeure pas moins cohérent que quelques victoires d’étape ont été enregistrées. Plusieurs politiques s’accordent là-dessus.

 

Le PNP et le bilan des 3 ans

 

La lutte a été rude et sanglante. Beaucoup de Togolais ont laissé leur vie ce 19 août 2017 et les jours d’après. Même aujourd’hui, considérant la révolte populaire provoquée par le PNP comme un affront qu’il doit absolument laver, le régime Gnassingbé ne se lasse de faire subir la croix et la géhenne à tout ce qui respire PNP. C’est ainsi que des jeunes de ce parti, Séidou N’tchirifou Bawa, Yaya Samari, Moutaka Akondo Naboudjo, le sieur N’tchomla, pour ne citer que ceux-là, ont trouvé la mort dans cette lutte républicaine et pacifique. Aussi, d’autres jeunes, entre autres Fadel Watara, Traoré Houesseni, Yacoubou Moutawakilou, Tchatikpi Aboubacar sont encore en prison malgré les contestations de l’opinion. Ils sont accusés par le régime de faire partie d’un mouvement insurrectionnel armé dénommé « Tiger revolution » pour déstabiliser les institutions de la République. Pendant ce temps, Mane Komla Mawuli, Bang’na Morou, Tikpi Zarifou, N’doda Koffi Togbe, Zakari Abdoul-Latifou, Adjetey Adjegan Kokou Herman, Agbetossou Kokou… nombreux, oui nombreux sont-ils, ces jeunes militants du PNP qui, craignant toujours la traque des éléments du régime, sont rentrés dans la clandestinité. Leur président, Tikpi Atchadam ayant lui-même été contraint à l’exil. Son Secrétaire Général, Dr Kossi Sama a, lui, été interpellé, puis jeté en prison. Il ne sera libéré qu’après plusieurs mois passés derrière les barreaux

 

Toutes ces lignes prouvent à suffisance que les militants du Parti national panafricain, ont vraiment payé et continuent de payer de lourds tributs après la révolte du 19 août 2017.

 

S’agissant des retombées politiques de cette bataille pour la démocratie et le changement, il faut souligner que les choses ont quelque peu changé avec une ouverture démocratique constatée et consacrée. Les réformettes du gouvernement en mai 2019 ont permis, même si cela reste insuffisant, de revenir à quelques fondamentaux de la constitution de 1992, point d’orgue des manifestations du 19 août. L’on citera la consécration de la limitation du mandat présidentiel à deux, l’effectivité du droit de vote de la diaspora (même si les conditions établies sont à revoir), puis la question des deux tours du scrutin est également résolue. Cependant, cela n’a pas empêché le régime togolais à se déclarer vainqueur dès le premier tour de la présidentielle du 22 février. C’est dire que ces « victoires d’étape », bien qu’elles soient importantes pour la suite de la lutte démocratique, restent bien loin de la panacée pour s’affranchir définitivement du régime togolais. Le PNP l’a bien compris et continue de mobiliser les populations.

 

La gagne de la Grande Boucle

 

« L’alternance ne viendra pas taper à notre porte. On n’obtient pas le changement en restant chez soi. Quant à la crainte, pour paraphraser Montesquieu, elle “ajoute à nos peines…” », déclarait Tikpi Atchadam. Ainsi, les dirigeants du PNP sont bel et bien conscients que sans de grandes et constantes mobilisations des populations pour acculer le régime togolais, jamais ils n’obtiendront gain de cause. Car, les multiples dialogues sont utilisés par le pouvoir comme un dispositif de freinage de l’élan du peuple vers la liberté retrouvée, liberté qu’il a perdue depuis plus d’un demi-siècle.

 

Alors, pour s’offrir la « Grande Boucle », les premiers responsables du PNP, à la suite de la nouvelle donne politique au Mali avec la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), se donnent de la voix sur le théâtre politique togolais, en faisant allusion aux FAT, Forces armées togolaises. « Le peuple togolais a les capacités de chasser la dictature cinquantenaire. Il n’y a pas de démocratie sans liberté et il n’y a pas de liberté sans lutte… Au Mali, c’est le peuple qui a fait le gros du travail et l’armée a achevé la lutte », fait observer M. Sebabe-Gueffe Tchah Tchassanti, le Trésorier général adjoint du PNP. C’était au cours de la réunion hebdomadaire virtuelle du parti le weekend dernier. Au Mali, poursuit-il, c’est le peuple qui a engagé la lutte, a fait le travail et l’armée l’a parachevé. Au Mali, le peuple et l’armée ne se sont pas concertés au préalable. Au Togo, armée ou pas, le peuple doit absolument conclure la lutte en généralisant la contestation sur l’ensemble du territoire national, a-t-il poursuivi avant de chuter par cette reprise de leur leader national Tikpi Atchadam : « Tout peuple debout arrive à bout de n’importe quel dictateur. Donc la balle est dans le camp du peuple. C’est à lui de décider ».

 

Ainsi, le peuple reste très attendu…

 

Xavier AGBEVE

Source : La Manchette N°0123 du 02 septembre 2020

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